Ravenous de Antonia Bird
Le Western n'aura jamais été aussi violent. Même dans les fantasmes prolongés de Stanley Kubrick qui aurait pu imaginé un jour un Orange Mécanique au Farwest. Ou un Shining mêlé aux airs triomphants de Eastwood. Oui car rappelons le, le western reste au départ un style très violent. Virile, sanglant, perturbant. Le style visuel certainement le plus ancien de l'histoire du cinéma en somme. En passant par "Qu'elle était verte ma vallée" à la trilogie du dollar de Leone, au Western hyper réaliste et moderne façon Frères Coen avec leur "No Country For Old Man" ou le choc visuel "There Will Be Blood" de Thomas Paul Anderson. C'est ainsi qu'on a eu droit parfois à des western psychologique d'une violence insoutenable, mais rarement on a eu droit à une violence aussi bien morale que physique telle que Ravenous.
Porté par les épaules de Antonia Bird, connu dans le monde indépendant Anglais, jouant avec quelques acteurs Britannique des plus respectés comme Robert Carlyle, Antonia Bird n'a a son actif que 5 films qui ont à chaque fois, partagé la critique du monde cinéphile. Parfois trop intelligent, parfois trop ambigu. Antonia Bird n'a jamais réellement révolutionné le box office avec n'importe laquelle de ses pélicules, et Ravenous en est encore le triste résultat. Triste dans quel sens ? Car peu de cinéphiles ont eu droit à une projection de Ravenous. Vendu comme un ersatz film horrifique, Ravenous n'a pas eu la chance de certain. Une affiche horrible, des accroches d'une pauvreté glaçante, et surtout, un manque hallucinant de publicité avant la sortie de ce film. Une oeuvre en somme qui passerait inaperçu dans n'importe quel vidéo club.
Pourtant Ravenous jouait fort en sortant un film avec deux acteurs alors en pleine flèche. L'acteur britannique de Priscilla, folle du désert, Guy Pearce qui plus tard se fera respecté avec le fantastique Mémento de Christopher Nolan, et surtout, Robert Carlyle, l'un des acteurs écossais les plus importants de la décennie. Voir disons le, le plus important après/avec Ewan McGregor. Connu en autre pour son incroyable rôle de Begbie dans le Trainspotting de Danny Boyle, ou sa flagrante composition dans 28 Semaines Plus Tard. Ravenous est donc l'histoire d'un lâche de guerre, considéré comme un héros de guerre vers le milieu du 19ème siècle, replacé dans un fort perdu dans les montagnes appalaches où ne vivent que 7 personnes. A partir de là, un homme, affolé se présente à eux comme le rescapé d'une terrible histoire...De Cannibalisme.
A partir de là, Antonia Bird filme le western-psychologique-horrifique le plus halluciné de l'histoire du cinéma très certainement. Pourquoi ? Car Ravenous ne se limite pas à son intrigue noire. L'humour noir, dévastateur vient à chaque fois ponctué une scène de tension monumentale, que se soit par le biais d'une réplique ou d'un geste. Ou d'un arrangement musical. Le "Buen Appetito" de Carlyle en reste l'exemple parfait. Et surtout, Ravenous offre enfin un western qui dépasse la simple histoire de rivalité, ou d'aide. Ici, le spectateur est pris au sérieux, c'est ce qui fait de Ravenous un remarquable film. Bird ne le prend pas de haut, et le spectateur semble s'immergé totalement dans cette histoire par le biais qu'il n'est pas pris pour un débile. Le film n'est pas étiqueté tout au long, ce qui offre des rôles de composition hors norme comme l'exceptionnel Robert Carlyle. Tout cela offre l'hypothétique idée que l'on semble être assez intelligent pour apprécier ce cocktail d'humour noir, sur fond de Danse Avec Les Loups version Silence des Agneaux.
Mais là où Ravenous semble vraiment devenir un objet de prédilection, c'est avec la musique de Damon Albarn. Fantastique meneur de blur, et auteur-compositeur le plus important de la wave des années 90 en Angleterre. Meneur aussi de Blur ou de Gorillaz, Albarn ne semble jamais perdre l'appétit en ce qui concerne les nouveaux projets. Sa musique reste le point culminant, le zénith de ce film. Travaillant en collaboration avec Michael Nyman, Albarn compose quelque chose entre la musique des Ken Loach, et l'oeuvre de Morriconne. Son ambiance, parfois glaçante, voir joyeuse par les accordéons Irlandais scotchent le cul. Rare ont été les bandes originales mêlant aussi bien la musique traditionnelle que la musique électro-pure agrémenté de choeurs répétitifs. La dernière scène de Ravenous en reste le meilleur exemple, une bande sonore hallucinante, pour un échappatoire inédit. Une fin dans la mort et le sang, dans des flux de sang.
Ravenous est donc l'immense surprise d'un film qui reste depuis longtemps considéré comme une oeuvre lambda et surtout à des années lumières de ce qu'elle est réellement. Par le biais aussi de second rôles très bien tenu ( l'ex Desperate Househusband Neal Mcdonough ), et surtout d'une immersion totale dans l'Amérique Appalache que l'on ne connait pas tellement et rarement vu au cinéma. ( A part dans The White Lightin' par exemple ). Deux acteurs exceptionnels, une musique hallucinante, et surtout une oeuvre bien trop subversive pour être connue du grand public Américain. Un peu comme les Thugs quelque part, Too Smart To Be Famous. Le Western n'aura jamais été aussi violent. Oh non !