Four Lions de Christopher Morris
En l'occurence Edward Norton avec « Au Nom d'Anna » réalisait en 2001 une petite perle pour sa brillante prise de risque à traiter d'un sujet aussi étrange que la vie amoureuse d'un prêtre catholique. D'autant plus que celui-ci tombait alors amoureux de la même femme que son collègue et meilleur ami rabin, rôles alors endossés respectivement par Norton himself et Ben Stiller. Bien que profondément sucrée de gags américains ou d'une écriture un poil trop superficielle, le film avait l'honnêteté d'attaquer un sujet extrêmement délicat au travers de ces deux destins liés à la même femme : le catholisisme et judaisme. Leurs différentes religions, leurs différentes méthodes, leurs différents styles de vie, ainsi de suite.
Norton surprenait alors le monde cinéphile avec cette modeste comédie ; surtout emportée par deux brillants acteurs qui via leurs talents semblaient adoucir le méchant spectateur guettant la moindre erreur de Norton pour le traiter de Fasciste, Nazi ou Anti-Chrétien, au choix. Four Lions rejoint de cette manière le film de Norton ; non pas qu'ils se ressemblent mais via cette belle ouverture d'esprit et cette marque à adoucir un sujet extrêmement sensible puisque ce dernier traite du Jihadisme. Et plus précisément de 4 amis qui décident de mourir en martyr en se donnant la mort et celles de gens autour.
Chris Morris, réalisateur et auteur de ce film ne semble pas être un type à ranger dans la catégorie des « gros cons ». Oui même moi je m'y met. Critique ; satiriste et photographe de guerre -rien que ça- ; l'homme semble s'être pris d'affection avec le public anglais depuis quelques années via des émissions TV ou via son show sur la BBC. Quand est-il ce satiriste réalise et écrit ici son premier film pour le grand écran. Et forcez de constater que son sujet n'est pas le plus simple qui soit. Surtout via son ancienneté dans le métier (en plus d'être photographe de guerre), le bonhomme s'aventurait sur des terrains bien minés mais qu'il connaissait pà la même occasion.
En produisant son film via une mise en scène ultra rudimentaire (constante caméra à l'épaule) et premier degré, le souffle de l'ironie et de l'humour noir présent pendant le film évacue toutes les craintes que l'on aurait pu avoir dès les premiers shoots du film. D'une manière presque naturelle le spectateur est forcé à oublier qui sont les protagonistes ; à savoir des terroristes prêt à mourir et à tuer pour une cause bien précise. Pour la simple et bonne raison que le but du film ne réside pas ici. Le but du film ne réside pas dans la prise de partie, ou dans la démonstration du bien et du mal. Chris Morris démistifie ici un univers que l'on ne voit généralement qu'au travers de mauvais reportage sur chaines câblées.
Via une sincérité alarmante ; et d'attachants destins -bien que l'on connaisse leurs sorts- Chris Morris évacue toute angoisse pesante pour n'y jouer qu'une comédie satirique sur ces 4 lions, bras cassés et peu doués pour ce qu'ils ont choisi d'être. Ici il n'est presque pas question de religion, de débats pré-établis et douteux ou d'une provocante mise en scène. Chris Morris fonde à travers un certain humour noir une puissante et merveilleuse pièce. Une vraie comédie noire, mais qui ne s'éloigne jamais de la réalité et de la troublante tristesse de la situation. Jusqu'une incroyable scène d'adieu, d'une sincérité et tristesse absolue digne des plus grands metteurs en scènes ; alors que le gaillard n'est que chroniqueur.
Comme si les Monty Phytons avait eu aussi fait une farce sur le terrorisme grandissant des années 1970 ; Chris Morris s'établie dans ces codes. Mais ne forçant jamais la main sur son spectateur, l'entrainant dans ce monde éloigné -qu'il soit vrai ou non, ce film est une fiction rappelons le- ; proche de l'absurde. Mais avec cette capacité à pouvoir basculer dans un climat mélancolique très profond au moment où le gaillard le souhaite; ce qui n'est pas sans rappeler le magnifique Bubba Oh-Tep de Don Coscarelli.
Brillant film à la fois coup de poing, touchant, triste et drôle, Four Lions est une merveille qui montre -d'une certaine manière- la vie à l'Anglaise qui n'est généralement visible que dans les films de Ken Loach ou Shane Meadows. Une angleterre croulant sous les briques et sous les vieilles usines. En ce point Four Lions pourrait être un parfait mix de This Is England et le très beau Paradise Now qui traitait exactement du même sujet. Sans cet incroyable dose d'humour Anglais, limpide et subjectif ; maitrisé à la perfection pour percevoir quand il le faut ; la fragile et magnifique facette que cache Four Lions derrière ses airs grossiers. Une œuvre bien trop rare.