Take Shelter de Jeff Nichols
Comment a t-on pu étiqueté Michael Shannon de "meilleur second couteau" du cinéma Américain ces dernières années ? Michael Shannon est peut être ce qu'il y a de mieux dans le cinéma Américain de nos jours. Un acteur époustouflant, modeste, humble qui à travers de nombreux seconds rôles, épatait par sa formidable présence. Dans le très moraliste World Trade Center d'Oliver Stone pour commencer où il était à vrai dire l'unique bon point du film, les Noces Rebelles ensuite en piquant la performance à Dicaprio + Winslet dans le rôle d'un autiste touché par le syndrome de Tourette. Ou récemment avec The Runaways où en interprétant l'éclectique Kim Fowley, Shannon démontrait l'étendue de son talent, de son aisance face à la caméra à jouer (contrairement à certains que je ne citerai pas...et merde Mélanie Laurent) n'importe quel rôle qu'on lui propose.
En jouant dans Shootgun Stories du même Jeff Nichols, Shannon s'est fait une place parmi le très sélect Sundance. Avec Take Shelter c'est très simple, il a tout raflé. Même la vedette au vieillissant Redford. Interprétant Curtis, un homme lambda père de famille, qui après de certains cauchemars répétitifs, se met sous le crane qu'une catastrophe naturelle est sur le point d'éclater sur son état et aux alentours. Folie autodestructrice ou prémonition divine ? Tel est l'enjeu de Take Shelter qui ne se veux en aucun cas démonstratif. Ici, l'homme en question n'est pas un héros, Nichols plaçant formidablement la conscience personnelle du personnage au centre de tout. A l'instar d'un film de Hitchcock ou des écrits de Kafka, cet homme est seul et contre tous. Epurant la même occasion tout instant nuisible à la crédibilité de son oeuvre.
Mais c'est plus vers les premières réalisations de Night Shyamalan que Nichols semble se tourner. En suivant la ligne directrice de la première oeuvre de Peter Weir "La dernière Vague", Nichols signe un film exceptionnel. N'allons pas nous attarder sur le sort de Michael Shannon qui devient en deux heures une sorte de mythe. Un rôle hors norme dans lequel Shannon a réussi à capter n'importe qu'elle émotion dévoué à son personnage. Une relique cinématographique. Justement, Nichols évite toutes confrontation divine, l'univers religieux n'est alors jamais en cause brillamment afin que son sujet soit humain et réaliste jusqu'au bout. Le film, intelligent de bout en bout, ne tarde alors jamais à devenir envoûtant et surtout angoissant. A la manière donc de Shyamalan à la bonne époque (RIP Signes) ponctué d'une magnifique bande sonore de l'inconnu David Wingo.
C'est en puisant ses idées au sein des plus profondes inquiétudes américaines sur (à la fois) le dérèglement climatique ou les problèmes sociaux que Nichols réussit son pari. Sans jamais explorer le fond d'une pensée moraliste à l'instar de son superbe premier film, Shootgun Stories. Sans jamais éloigner la thèse du couple, car Take Shelter reste un brillant essai sur la vie de Couple, de la place de chacun au sein d'un domaine. Un peu comme le ferait ce vieux Terrence. Et justement, en Sublimant le tout d'une rare photographie que seul Malick serait capable d'immortaliser, Nichols offre alors une énième performance relativement exceptionnelle à l'habité Mickael Shannon qui ne devrait plus tarder à devenir la coqueluche d'Hollywood, malheureusement. Troublant, Jouant le malade comme jamais. Une énième éloge pour le mozart des rôles déglingués. Fantastique.
Nichols trouble son récit d'une légère narration psychologique qui permet au spectateur de s'immerger dans l'esprit du protagoniste. Véritable tour de mise en scène, la différence entre la réalité et la fonction des rêves devient alors de plus en plus difficile à déceler. Le climat du film indépendant est là : Montage syncopé de fondu noir, thématique difficile, ou bien encore, Twist End totalement renversant. Nichols prend tout le monde à contre pied. Et le film n'en est que plus beau; qui fini par atteindre le sommum de l'intensité sensitive -porté par des thèmes musicaux foncièrement bouleversant- au gré de deux dernières scènes qui trouvent leur places au panthéon des séquences les plus fortes du 7ème art. Accordant une parfaite confiance à ses personnages, Nichols fascine. Quand à la magnifique Chastain, sa grâce Malickienne fait toute la différence.
Take Shelter reste l'un, voir le, plus beau film sur le thème de la fin du monde, quoi qu'il en soit. En tapant là où il faut à 12 mois d'une -soit disante- fin du monde. Véritable tempête mentale et météorologique, Nichols signe une oeuvre hautement habité et fantastique. Là où le blockbuster n'a jamais su tiré une émotion (ou une partielle de matière grise! On pense au...catastrophique 2012 ), Take Shelter se permet sans réels effet spéciaux de se permettre l'impossible. Une oeuvre inqualifiable qui semble trôner toutes oeuvres sorties depuis le 1er ou sur le point de voir le jour avant même d'avoir aperçu une bobine. Nichols est un grand -même à 32 ans et malgré les dires de sa maman-, et réalise, disons le, un chef d'oeuvre.