Memories Of Murder
de Bong Joon-ho
Il est simple d'appuyer le fait que le cinéma Coréen est un art la plupart du temps violent, tranchant, sanglant. Il serait tout aussi simple d'appuyer le fait que leur cinéma peut-être à ce jour considéré comme l'un des plus poignants et dramatiques dans la matière fécale que devient parfois le cinéma de nos jours. Cette nouvelle vague (lancée via la trilogie de la vengeance d'un Park Chan Wook plus timbré que jamais) est certainement l'un des faits les plus marquants en matière de cinéma depuis le début du 21ème siècle. Pour l'audace et le réalisme, pour la violence à chaque instant sublimée, ou bien encore pour l'aura cinéphile que chacun de ces films possède.
Memories of murder semble lorgner plus dans la catégorie des films sociaux asiatiques, tel A Touch Of Sin sorti en 2013. Dans lequel deux enquêteurs que tout diffère : l'un vient de la ville avec une puissance intellectuelle BAC+4, l'autre n'a connu que les rizières et les terrains boueux d'une Corée retranchée rarement aperçue de cette manière auparavant. Certain comprendront le bouseux et le citadin, d'autres la rencontre entre deux cultures différentes au sein d'un unique pays. La base de Memories Of Murder prend forme autour d'une série de meurtres sans réponse dans la Corée des années 80 où les karaokés enflamment le samedi soir, et que les couvres feux de plus en plus importants semblent terroriser la population locale.
Bong Joon-ho demeure aujourd'hui l'une des pièces phares du 7ème art Coréen en partie grâce à ce film qui alimenta la même année que Old Boy, la reconnaissance mondiale d'un cinéma explorant des thématiques semblables aux films Européens mais sous l'influence de la culture de son pays. C'est sous un ton de petit polar ersazt et modeste que Bong Joon-ho démarre Memories Of Murder. C'est d'ailleurs avec un ton résolument noir et burlesque que le film commence là où l'ombre d'un film Américain aurait pu peser, Bong Jong-oh décide à sa manière d'explorer le film comme une oeuvre d'une cruauté rare, aux relents absurdes, aux personnages pathétiques.
Tant qu'à alimenter son film dans une subtile narration, le réalisateur place en avant la confrontation de ces deux inspecteurs que tout sépare, bien que vivant dans une seule partie de la Corée. Les faits, les réactions, les gestes, les paroles ou même le goût pour la nourriture. Bong Joon-oh tire alors une véritable satire sociale de ces années 80 où le pays était en totale recherche d'identité tout comme laisse présager les principaux protagonistes de l'histoire. Une métaphore sublimant chaque bobines dramatiques, où les acteurs se donnent à corps et âmes. C'est alors que le réalisateur dynamite la moindre erreur qu'à pu causer la terrible chute de cette histoire tirée de faits réels. Et cet dans cet élan à la fois réactionnaire et timide que le film prend toute son ampleur littéraire.
Car preuve ultime de la précocité du cinéma Coréen et surtout de Memories Of Murder, Bong Joon-oh ne prend à vrai dire jamais son spectateur pour un méchant débile. Prouvant que l'ambiance glaçante, sordide et monstrueuse du film peut-être contre balancée par une ironie dévoilant à la fois la nature propres des personnages (le flic de campagne se prend pour le flic de ville). Ceci pour alimenter en réalisme ce cinéma de pur génie comme en témoigne un exceptionnel plan séquence dans un karaoké. Chose parfaitement accomplie par Joon-oh qui signa en 2013 le magnifique Transperce-Neige où les codes de la Science-Fiction sont alors repris avec la même recette. On ne s'étendra pas tellement (bien que avant-gardistes d'un genre, nous sommes en 2003) sur les photographies, lumières, musiques, ou directions artistiques, car la notoriété des Coréens là dessus n'est plus à redire. L'ensemble est simplement parfait, sublimant et illuminant chaque noirceur du récit.
C'est avec cette faculté à piocher les principaux codes du cinéma de genre dans le but de les adapter à son univers déplacé que Joon-oh tourne cet incroyable Memories Of Murder. A la fois compris comme un cris de rage dans une époque où son pays était au bord du gouffre, et comme un grand film policier, Memories Of Murder possède ces rares puissances littéraires, dramatiques et tragiques vues au cinéma ces dernières années. Puissances rassemblées dans une séquence où le mutisme des personnages prend tout son sens. Mais en y réfléchissant c'est peut-être aussi et tout simplement que le cinéma de Joon-oh est incontestablement un cinéma transpirant la cinéphilie.