Muse - Drones
« Trop grand. Trop gueulard. Trop Queen. Trop saturé. Trop bourrin. Trop pop. Trop gamin. Trop baroque. Trop n'importe quoi. Trop d'égo. Trop mégalo. Trop de com. Trop commercial. Trop crillard. Trop allumé. Trop de cris. Trop bruyant. Trop d'orchestre. Trop grand spectacle. Trop de stades. Trop de coupes de cheveux. Trop de placements. Trop de sujets. Trop de Muse. Trop de trop. »
Voilà les principaux arguments anti-muse qui ressortent depuis maintenant The Resistance en 2008 ; Premier opus de l'enfer critique que subit le groupe Anglais depuis quelques années. C'est simple, pour certains si Matthew Bellamy n'a plus de cheveux rouge ou bleu Muse ne vaut plus un clou. Soit pour un groupe de résistants bien endoctriné n'y voyant qu'un groupe aux singles pop bien baveux, il n'est surtout pas question d'entendre les nouvelles déboires du trio. Enfin pour certains, Muse est un enfer musical partagés entre « toutes les convulsions mégalo de Matt Bellamy ». Inrockuptibles vous-dites ?
Avant d'en venir aussi loin faut-il ré-ajuster la réalité ? Effectivement depuis The Resistance ; Muse n'a sorti que des albums en demie teinte. Par là ; la musicalité du groupe était souvent partagée entre les attentes d'un public habitué aux incroyables passages que possèdait Origin Of Symettry et une pop niaiseuse trop vendeuse. Et ce même si la galette possédait toute de même la puissance d'un grandiose album d'opéra rock au travers de ces Exogenesis ou de son brillant United States of Eurasia, qui reste certainement la plus belle adaptation artistique jamais réalisée de 1984.
M'enfin bref. Avec The 2nd Law, les choses se gâtaient pour le trio. Et plutôt de manière hardue. En effet l'album n'est pas une grande réussite. Hormis quelques titres vraiment convenables, le groupe s'efforçait de remplir l'album avec des titres aussi inachevés et sans âmes que Liquid State, Follow Me ou Explorers. Fort heureusement l'album se terminait via le magnifique concept musical éponyme 2nd Law -avec surtout son Isolated system, véritable preuve de la volonté du groupe de jouer pour le grand écran-. Cette parenthèse dérangeait alors toute l'idée que l'auditeur pouvait se faire de l'album. « ça commence bien, c'est nul, c'est plutôt brillant ».
Drones quand à lui sort peu avant l'été 2015, de quoi « remplir des stades et les bacs ! » comme certains haters en la matière pourrait s'exprimer. Et ils ont certainement raison, Muse vend de plus en plus, et remplit de plus en plus de stades. Peut-on s'acharner sur le sort commercial mérité d'un groupe aussi talentueux ? Muse n'ont t-ils pas prouvé par le passé (et le présent comme on l'a vu) d'une certaine qualité artistique ? N'ont t'ils pas le droit eux comme tant d'autres immenses groupes de jouer leurs tubes niaiseux ou classiques immortels dans des stades à craquer ? Cette critique incessante de la part d'une certaine catégorie de presse rase motte continue de prendre de l'ampleur à tel point que Muse est devenu le groupe le plus critiqué de la planète pour leurs choix esthétiques, musicaux et commerciaux. Car il semble que la réussite n'attire que haine et critique malveillante. Muse en est le pur exemple, et détesté par certaine presse musicale trop indépendante pour y voir un verre à demi plein à chaque nouvel effort.
Car non ; Drones n'est pas un chef d'oeuvre ; ni même un excellent album. Mais est-il une merde pour autant ? Non. Muse depuis The Resistance est s'est orienté vers l'orchestration de ses thèmes : la science fiction – le pouvoir extrême – la peur du gouvernement – le complot gouvernemental – la troisième guerre mondiale...Bref des sujets qui méritent effectivement un véritable travail à la fois sonore et visuel. Chose faite très nettement sur The Resistance, hommage à Orwell et 1984. Puis avec The 2nd Law. Cette fois-ci les thèmes sont encore une fois très semblables ; d'où la fascination et l'entêtement de Bellamy à vouloir réaliser en terme de spectacle sonore et visuel quelque chose de grand.
Mais aussi étrange que celà puisse paraitre, Drones se focalise plus radicalement sur le trio d'origine : guitare-basse-batterie. Une raison pour revenir aux sources ? Non ; car l'enjeu du groupe n'est pas là. Il semble maintenant impossible pour Muse de composer un titre comme Showbiz ou Space Dementia. Ne vous demandez pas pourquoi, mais peut-être simplement les gaziés n'ont plus 20 ans. L'ambiance et les envies sont passées à autre chose. Les codes ont changé, le groupe aussi. Et un contrat évalué en milliards ne leur permet peut-être pas pour le moment de pouvoir s'aventurer sur ces terres. N'ignorons pas la chose.
Drones est un drôle d'album ; du genre pas certain de lui. Vacillant sans cesse entre moments bêtas dans lequel le groupe se perd et instants baroques où Matt Bellamy laisse éclater son talent vocal et de composition bien connu pour le plus grand bonheur de l'auditeur. Une parfaite demie teinte partagée entre excitation, déception et rédemption. C'est simple ; on prend ce qu'on a sous la main et l'on examine. Car comme nous avons pu l'évoquer, Muse ne reviendra plus jamais à ses débuts. C'est une chose impossible, autant sur le plan artistique (car le groupe semble être purement et simplement passé à autre chose) et commercial (les sous!). Mais se focaliser sur le passé n'est jamais la meilleur des choses.
Composé de seulement 10 petits titres (+ 2 intros vocales) et dont un titre à capella (une première dans l'histoire du groupe) Drones est un véritable verre à demi-plein. Une demie teinte cependant totalement assumée et condensée via des titres un poil baveux et inutiles comme nous avons maintenant l'habitude (navrants guignolesques Dead Inside ou Mercy). Même si considéré par certaines personnes comme un Starlight N°2 (paie ton inspiration), ce titre ne possèdera jamais la « puissance évocatrice » que le morceau a sur nous autre sombres mortels. Un drôle de constat qui n'est sans rappeler les titres bouches trous de The 2nd Law.
Mais Matt Bellamy à travers d'autres titres prouve à la fois son immortel amour pour Queen (Defector) ; son incroyable maitrise vocale (Drones ou Aftermath) ou son salut éternel pour le côté glam rock spatiaux de ses composition (magnifique The Handler) de manière non rationelle. Car Muse depuis quelques années semble à chaque fois en jouer des tonnes -parfois dans le bon sens du terme- pour chaque nouvelle composition. Chose que chaque auditeur ou tout du moins amateur devrait comprendra via l'immense côté baroque ; orchestral et théatral que le groupe s'efforce de sur-jouer au plus grand bonheur de certaines personnes. Nouvelle facette que le groupe exploite ici à son paroxysme à travers certains titres très différent les uns et des autres (le fantastique morceau concept The Globalist ou le très osé Drones).
Car si l'ensemble de la critique -ou presque- se met d'accord pour n'évoquer que déboires et égo sur-dimensionné, Matt Bellamy semble n'y faire presque pas attention, et c'est tant mieux. Muse a changé ses codes depuis des années, chose que la critique s'efforce de ne pas comprendre ou adhérer. Leur retour à un trio guitare – basse – batterie ne se réalise alors qu'au travers des titres aussi foutraques que réussis où Matt Bellamy laisse à chaque fois exploser l'univers qu'il se créé. Que se soit au travers de tracks puissantes et répétitives telles que Psycho ou via cette volonté de vouloir sur-jouer dans la case baroque (l'incroyable envolée spatiale lors du pont de The Handler ou le tapping de Reapers, malheureusement crocheté par un couplet des moins inspirés).
Les envies de Bellamy et ses choix passent alors par tous les stades ; de la pop niaiseuse, au rock qui tâche, en passant par de véritables moments orchestraux tant adulés par les anti-muse à de véritables bons titres. Comme si le groupe avait décidé d'une ambiance différente pour chaque morceau; et ce même si l'album est sensé être un album concept autour d'un opéra-rock. Un non sens en soit faisant de la galette un opus non achevé. Celui-ci ne possède de ce fait évidemment pas d'âme. Un produit sous vide tel que l'état The 2nd Law. Les titres sont trop différents pour s'ajuster les uns les autres. Et ce même l'album grouille de formidables idées aussi petites ou grosses soient-elles (la fin de Reapers, le solo de The Handler ou le doo-wop sur Drones pour simples exemples). Idées formidables, mais qui ne semblent jamais former un réel puzzle musical.
Cependant on pourra citer le phénoménal morceau The Globalist où tous les genres musicaux travaillés par le groupe depuis des années s'y retrouvent. Véritable hymne du nouveau Muse -s'il faut les nommer de cette manière maintenant...- entre les évocations western -cinéphiles- chères à Bellamy depuis Absolution ; à la pop mélancolique convenue au début de leur carrière ; à l'hommage orchestral de Queen correspondant à leur période plus récente...Puis sorti de nul part un incroyable moment où toutes les peurs primales de l'auditeur s'envolent lorsque le groupe explose sur ce fantastique passage métal-core orchestral -cher à Bellamy et aux premiers essais du groupe- que possède The Globalist. Une montée d'adrénaline boosté par un fantastique passage de violons/guitares saturées aux voix illuminées plutôt rare. Ce passage témoigne une fois de plus du talent de Bellamy pour la composition cinéphile à travers ces 3 actes pré-post apocalyptique où le concept d'opéra rock se ressent enfin. Mais il semble être un peu trop tard à ce moment là.
Drones ne semble pas être l'album que les gens espéraient. Ou peut-être qu'il l'est. Pour le reste il ne faut plus espérer un quelconque retour aux sources. Car il n'a jamais été question de cela au sens propre du terme. Il faut accepter le groupe tel qu'il est maintenant, apprécier ou non ses méthodes et son répertoire live qui par ailleurs reprend de nouvelles formes avec l'apparition de The Handler ou Reapers. Drones n'est pas un excellent album, bien qu'il soit composé de fantastiques passages ; l'album souffre d'une véritable identité, d'une propre âme. Codes aussi simplistes soient-ils mais qui témoignent toujours d'une véritable nature. A l'image de sa jaquette et son art-work; plutôt laide et incompréhensible à un tel niveau de professionnalisme.
Mais quand est-il, les sorties d'albums de Muse sont toujours aussi intéressantes -forcez de la constater- via l'énorme buzz que chaque titre procure sur internet et tout ce qui s'en suit : son lot de haters impitoyables menant une guerre acharnée, son lot de fanatiques très haschtag, ou son lot de relous soufflant que c'était mieux avant. Un verre à demi-plein car il faut s'efforcer de voir les bons côtés des choses quand on a aimé ou que l'on aime. Sinon et bien tu as vite fait de devenir un con en la matière.
Allez, à dans trois ans Muse.