Mark Lanegan Band - Blues Funeral
Que reste t-il des beaux jours de Sub Pop ? Après la balle perforeuse de Cobain; les douloureux mots d'adieu des Thugs ou la fin de Soundgarden; et bien pas grand chose. Ne reste que le Mark Lanegan; tête brulée du rock américain et étincelle du rock indépendant; Mark Lanegan continue de produire au fil des temps ce qu'il fait de mieux : rauquer. Alors oui, la coke, l'alcool, les putes sont passés par là. Le temps semble passer plus rapidement qu'on le croit; surtout à ce niveau là. Mark Lanegan a un passé particulier; rendu au banc des rockeurs alcoolques depuis quelques années; sa carrière semblait elle aussi s'être pris une pause méritée. Le fait est que la dernière du bonhomme remonte à l'automne 2004. Soit huit trop longs printemps avant d'atteindre les sommets.
Car si les enchainements de collaboration n'ont jamais cessé d'exciter le bonhomme depuis des lustres le retour de Mark Lanegan était attendu de pied ferme. A tel point qu'un réel changement devait être notable. Queens of the Stone Age; The Breeders; Bertrand Cantat pour Jeffrey Lee Pierce ou même les Eagles of Death Metal. Des noms qui ne feraient pas frémir un mort. Simple ironie ou non; Mark Lanegan sortait d'une période pénible : celle de la demie teinte. Car même si ses enregistrements avec les Queens demeurent parmi les plus outrageusement classe de l'histoire du rock (Song for the Dead); l'espirt et la classe crade de Mark Lanegan ne semblait plus appartenir à personne.
Blues Funeral marque le retour d'un crooner trop longtemps oublié sous les traits d'un timbré assoiffé de whisky; Mark Lanegan est devenu au fil du temps un nom trop facilement recommandable. Aussi bien pour ses envolées lyriques que son timbre rauque qu'il ne tarde jamais de grincer à juste ton dans cette magnifique galette. Sorcier d'une certaine époque; c'est avant tout l'ambiance de cet album qui traque son auditeur. Fantastique mélange d'électro; de tendre blues ou de pop mélancolique; Mark Lanegan semble piocher dans ses anciennes collaborations pour tirer de ses cordes des influences diverses et variées. Tant l'ôde au Western sur St Louis Elegy que Ode To Sad Disco qui aurait pu avoir sa place dans Pusher 2.
Le temps passe et les gens changent. Fini les guitares hasardeuses du Grunge, le piano et les delay très 80's sont maintenant enjambés. Telle semble être la leçon que semble donner Lanegan au sein de Blues Funeral. Rien de son état ou sa personne ne semble être reconnaissable sur cette galette. Mieux que ça, Lanegan transmet -au travers d'une hallucinante puissance vocale et bien cramée en clopes- un mélancolisme non controlable -à voir sur les fameux Levathian ou Bluddy Mudding Water- et un flux de sentiments tout droit grapillé au diable. C'est simple, Blues Funeral est comme son nom l'indique une terrible magnifique ôde au sombre, à l'inconnu, à la peur de n'être plus là. A tel point que le timbre de Lanegan semble être à deux doigts de se casser la gueule à chaque fois, pour mieux rebondir.
Car si cet album marque un tournant dans la carrière de Lanegan (la dernière galette suit exactement les choix et directives de ce miracle sonore), c'était sans oublié la marque plus qu'importante laissée par Alain Johannes. Sombre inconnu (dans l'ombre de ses boss) et génie musical à la fois, Johannes semble à travers chaque production qu'il enchante se lasser d'une certaine popularité qu'il n'aura jamais. La faute à pas de bol semble t-il. En effet; Johannes est 50% de Blues Funeral à condition que Mark Lanegan Band appartienne à 50% à Marky. Rien de moins, peut-être de plus. Le génie de Johannes tant sur le plan de la production est un travail minutieux et badant pour tout artiste qui se respecte. Chaque sonorité dépucèle un univers au préalablement défini. Telle la batterie électronique du stoner de The Grivedigger Song ou la guitare criarde de Phantasmagoria Blues.
N'ayant simplement composé que 90% de l'album de ses propres mains -c'est ça être fair play dans le milieu-; Johannes semble avoir aussi ajouter à sa liste d'artistes avec qui il collabore (Arctic Monkeys, Queens Of The Stone Age, Foo Fighter, Eagles of Death Metal, Them Crooked Vultures...de la merde en conserve soit) une résurrection sonore au travers de ce Blues Funeral. Mark Lanegan n'a jamais été aussi rayonnant de sa vie. Et Alain Johannes semble y être pour quelque chose. Si la collaboration est aussi fructueuse c'est que l'album ne cesse jamais de s'envoler vers des terrains inconnus. Tant sur les textes d'un Lanegan à bout; qu'une incroyable qualité artiste. Régalant son auditeur d'une production parfaite du premier au dernier titre -via même une contribution avec Monsieur Homme des QOTSA-, Blues Funeral est une incroyable galette presque inconnue, sublime à souhait prêtant serment à son auditeur d'une jouissance sonore pendant toute une vie, ou une mort.