Melancholia de Lars Von Trier
Une chose est sûre en ce début de rentrée, ou cette fin d'été ( si l'on peut parler d'un été ), la composition du jury du Festival de Cannes 2011 avait bon goût. Pourquoi ? Ah! D'une part, ce jury alimenté par le professionnalisme sans fin de son vétéran Robert de Niro a ( pour la plupart des prix ) récompensés les films qui ont osé, qui ont marqué par leur originalité, et par forcément par leur auteurisme traumatisant. Ainsi on a vu notre Jean Dujardin national se faire remettre la palme de la meilleure performance masculine. L'autre vétéran Malick celle de la palme d'or -mérité au vue de sa brillante carrière- ainsi que la mise en scène de Nicolas Winding Refn pour son très attendu Drive. Sorte de série B des années 70 old school filmé pied au plancher et mis en scène avec l'oeil de Kubrick. Du moins on l'espère.
Depuis que Lars Von Trier a pété un câble avec son ami Thomas Virtenberg ( Festen ) et semble revenu aux méthodes anciennes via son procédé de Dogme 95 -qui consiste à n'utiliser aucune technologie récente selon un protocole bien établie-, Von Trier a épaté par sa puissance visuelle. Et surtout sa direction d'acteurs, et d'actrices. Inutile de préciser que si un jour l'un de nous tourne dans un Von Trier, une récompense à Cannes ne serait qu'une brève surprise. Car le Dogme95 ne voulant aucune retouche où que se soit, les acteurs deviennent forcément le point central du film en question. Même si avec Mélancholia Von Trier semble avoir abandonné ce petit procédé, à la fin de Mélancholia, l'on ne peux penser que Von Trier est un metteur en scène hors norme par son incroyable directions d'acteurs. Plus, peut être que par ses cadres.
Mélancholia raconte l'histoire de Justine et Claire, deux soeurs, une totalement paumée qui se marie ( dans une fête désastreuse ), et l'autre mariée et en pleine santé qui semble prendre sur elle même pendant tout le long du film. Quand tout à coup, une planète cachée semble se rapprocher de la terre pour entrer en collision avec celle ci. Séparé en deux chapitres, le film de Von Trier se veut -comme à son habitude- totalement déprimant. C'est simple, Von Trier s'est consolidé sa première place de grand dépressif du septième art, juste devant...Son ami Thomas Vinterberg! En quand il s'agit de déprime, Von Trier est tout simplement le meilleur. C'est simple, Mélancholia peut se voir comme un immense opéra visuel et photographique. A l'image de sa stupéfiante ouverture pleine de plan séquence sur Wagner ( longue de 7 minutes ), ou par sa splendide conclusion.
Son onirisme se veut à la fois sublime, aussi bien que Cauchemardesque. D'où peut être cette fin du monde qui se veut visuellement magnifique. Un paradoxe auquel Von Trier essai de détacher plusieurs idées, translatant alors vers la métaphysique de Malick sur certain point ( là où The Tree Of Life rejoint Mélancholia ). Car selon Malick, la beauté et la nature sauvera le monde, selon Trier, la beauté court à sa fin et à celle de tous. Monté comme un opéra en deux chapitres, l'un aborde alors la peur de l'avenir, et l'autre, la mélancolie du passé. Alors que seulement quelques jours séparent les premiers chapitres. Le détachement psychologique totalement ambigu des personnages se fait alors. Chaque personnage étouffe peu à peu, alors que leurs nombres diminuent subitement. Parsemé de véritables longueurs, l'oeuvre de Trier bizarrement semble tenir en équilibre pendant deux longues heures 10.
Par là, on peut regretter que Mélancholia donne le meilleur de soit même pendant les 10 premières minutes. Et que le film, à l'instar de la planète cachée trace une courbe pour retomber au point zéro. La première sensation de Mélancholia reste l'ambiguité de ses personnages, auquel chaque interprète s'y donne à coeur joie. Kirsten Dunst, la jeune Lux de Virgin Suicide semble avoir décroché l'alpha et l'oméga dans sa renversante descente aux enfers. Tout comme Charlotte Gainsbourg, qui après avoir raflé la même récompensé avec le même Trier il y deux ans pour le semi porno-gore-réaliste Antichrist, réalise une brillante composition. Dans un second temps, les seconds rôles s'échangent entre John Hurt, Charlotte Rampling, ou Kiefer Suterland. Un réalisateur Danois vous avez dit ? Vous en êtes sur ? Non c'est une blague!
Quoi qu'il en soit, Mélancholia est une oeuvre peut être trop psyché pour pouvoir déposer un bilan après une visualisation. Le film est indéniablement long, comme l'opéra que Trier idôlatre le veut. D'autre part, on retiendra que sa caméra à l'épaule reste brillante malgré un film qui semble avoir plus été écrit pour le théâtre que pour le cinéma. Indéniablement, Mélancholia est une énigme, fort visuellement, remarquable dans l'interprétation, mais lent dans sa construction. Essentiellement pour la fin du premier chapitre. A l'instar de la morale du film, les protagonistes ne cherchent pas à méditer sur la question de la survie, la nature est plus forte que tout, et la mélancolie serait le seul échappatoire vers une mort douloureuse. On ne cherche aucune raison métaphysique bizarrement, alors que le décors est planté. Mélancholia se veut presque rassurant vis à vis de la fin du monde. Comme si elle se dégustait en famille au tour d'un verre de vin. Lars Von Trier est décidément, réellement, indéniablement, dépressif.
Bref, un film qui plaît ou qu'on déteste, mais dans tous les cas, qui ne laissera pas indifférent. En plus, il m'a réconcilié avec Wagner, et ça, c'était vraiment loin d'être gagné !