Drive de Nicolas Winding Refn
On aurait tort de croire que Drive, nouveau film de l'enfant prodige Nicolas Winding Refn, serait réservé à la beaufitude habitué aux films de bagnoles écervelé que sont les bouffonneries insupportable de Fast & Furious ou Rogue. On aurait tort de croire aussi que c'est un film d'action atypique à la Miami Vice ou Bullit. Réservé à confrérie de garagistes mal aimés. Drive. Ou littéralement Conduire. Avant de rédiger l'éloge de cet éblouissant bijoux du cinéma contemporain, revoyons un peu les classiques de Nicolas Winding Refn. Daltonien, dyslexique, et n'ayant pas son permis, normal qu'un metteur en scène au tel faciès se mette en route pour réaliser l'adaptation d'un bouquin du même nom. Sauf que Refn est un étrange personnage. Depuis ses premières années, Refn est attiré par le cinéma de Scorsese. Pusher était sa carte d'entrée au cinéma, et pour le coup, une véritable preuve de la fascination qu'à Refn pour les premiers Scorsese. Mettant en scène des brigands/junkies dans la veine du Billy le terrible de Main Street, au sein de Copenhague. Filmant la mafia locale d'un oeil avertie ou par les bas fonds de sa ville natale.
Rapidement, en 2005, après un sacré échec Outre-Atlantique, Refn mettait sur la sellette Bronson, alors considéré comme "le Orange Mécanique du 21ème siècle". Même si ce genre d'étiquetage rappelant la subtilité des critiques de Télé Loisirs, on ne pouvait penser au contraire. Cette fois ci, le metteur en scène réalisait une éloge à la violence visuelle. Plombant chacun de ses plans de magnifiques travellings, rythmant la violence par de grands airs classiques à la manière d'un Kubrick. Bronson reste le puissant souvenir qu'à laissé Refn de son passage au pays de la vieille reine. Le film n'ayant quasiment pas été exploité à l'étranger. Pourtant, depuis Pusher 2, le cinéaste développe une certaine notoriété. Par ses références multiples au film de genre. Refn se définissait alors après une telle réussite comme un pur, et unique réalisateur de film de genre. Laissant de côté toutes problématiques niaiseuses, ou toutes aberrations philosophiques saupoudrant l'anus de Freud avec du talc. Ici n'était pas le but de Refn. Ce réalisateur ne voit que par le cinéma, qu'avec les outils à dispositions du 7ème art.
Quand Mads Mikkelsen (qu'il a révélé dans Pusher, deuxième du nom) le rappel pour tourner avec lui un film de Viking, Vahalla Rising. C'est simple, nous avons le droit à un trip Viking baroque, psychédélique sur les bords, presque surréaliste. Ajoutant une musique électro-rock ( du jamais vu ), contemplant n'importe quel brindille d'arbre avec sa caméra à la manière d'un Malick en manque d'affection, Refn explose aux yeux des cinéphiles indépendantistes. Le film est une oeuvre étrange, à la fois nihiliste mais poétique. Une aventure au delà des sens, rappelant alors 2001 l'Odyssée de l'Espace pour son délire psycho-tripique. Mais surtout Aguire de Herzog ( réalisateur de genre, encore une fois ) pour le même envoutement. Encore une fois, la mise en scène de Refn, très intérieure, poussait encore plus les recoins du cinéma de genre sans déranger les grandes lignes pour autant. Mais c'est surtout sa dépendance au son qui cette fois ci mettra tout le monde d'accord. NWR est un grand réalisateur sonore, où la musique ( à l'instar des premiers films muets ) est peut être aussi -voir plus- importante que n'importe quel acteur de son film.
Chose compris pour Drive, nous y venons. Réalisé pendant l'été 2010, Drive a fait du chemin ( de la route... ) pour arriver sur nos toiles en ce 5 Octobre 2011. Raflant au passage un prix de la mise en scène à Cannes. Choses totalement improbable quand on voit l'intellectualité des films récompensés chaque année à Cannes. Pourtant, De Niro ne s'est pas trompé en prononçant NWR. En amont, le film devait au départ être réalise par le bourrin Neil Marshall ( Dog Soldier quand même ). Quand on voit la justesse, et la mélancolie proposé dans la version de Refn, on se demande comment Marshall se serait clairement démerdé. Tiré d'un bouquin de James Sallis, Drive raconte l'histoire d'un homme, solitaire à souhait, cascadeur le jour, chauffeur de truands dans la chaude nuit de Los Angeles. A l'aide de son patron garagiste qui lui organise deux trois coups, à droite, à gauche. Jusqu'au jour où il finit par rencontrer sa voisine de pallier, insociable comme il est. A la lecture du synopsis, où l'on se demande "Diable!" que s'est déjà vu, on se pose surtout la question, en quoi Drive est-il -tout simplement- l'un des meilleurs films de l'année, voir le meilleur.
D'une part, Nicolas Winding Refn épure le roman de Selli, Pour un bloc hypnotique d'une heure trente. Qui dès la première (éblouissante) séquence, se détache de tout clichés liés au cinéma de bagnole. Ici, la poursuite n'est pas vertigineuse par le montage syncopé ou la multiplication de raccords, mais bien par les méthodes employés par Ryan Gosling pour échapper à la police, à ses démons par la même occasion. La caméra de Refn se déplace, en champ, contrechamp, en travelling depuis l'intérieur de la voiture, qui par la même occasion devient le principal pilier de l'histoire. En 10 minutes, le ton est donné. Drive n'a jamais été; n'est pas; et ne sera jamais un film de cascade. Grand soulagement au bout de simplement 10 minutes pendant lesquelles on aurait pu croire que le film n'était juste que l'achat d'un réalisateur indépendant virtuose au compte du box office Américain. Avec Drive, Refn semble s'épanouir dans un cinéma plus simple d'accès. Non pas que Drive est un film dont il n'avait pas envie (Il ne l'aurait jamais réalisé s'il n'avait pas eu la supervision de A à Z) mais bien que son cinéma semble prendre un axe plus simple d'approche.
Retroussé au minimum d'une heure trente de pur cinéma, Drive semble être un bloc de virtuosité dans tout les recoins. De différentes manières, Refn réussit à imploser certaines situations, comme à en faire exploser d'autres. Multipliant sans arrêt les somptueux ralentis à des années lumières de toutes scènes mélancoliques lambdas. Rythmant le tout d'une bande sonore électrisante : Entre la musique électro -électrisante- de Cliff Martinez ( nouvelle coqueluche de la bande sonore Hollywoodienne ) et les tubes eighties, résolument kitsch, créant une magnifique et envoutante ambiance fleur bleue pendant une longue partie du film. Les Références en sourdines typiquement Refienne apparaissent : John Borman, Michael Mann période très eighties -Synthé à deux touches- , speen ambiant, façon éclectique de filmer la ville à la Collatéral...
Incroyablement, le film ne se perd jamais dans la niaiserie, habilement, Refn monte son film à l'image de son principal protagoniste. Minimisant les dialogues, ensoleillant les journées, en assombrissant la nuit. Le montage de Drive reste l'un des points culminants du film. On pourrait croire à la niaiserie avec un tube tel que A Real Hero, et pourtant...Ce n'était sans compté sur l'incroyable virtuosité de ce metteur en scène : brutal mais à la fois contemplatif, cristallisant ses aspects dans Drive. Refn décale alors l'aspect Sexuel sous jacent en l'épurant pour ne laisser qu'une grande histoire d'amour dans la veine des premiers Murneau, où encore, le réalisateur sonore dévoile son talent.
Mais là où le film devient divin, reste le mariage entre la douce mélancolie de Refn ( qui se dévoile encore plus ) et le soudain éclair de violence totalement dément, rappelant alors le célèbre thème de la vengeance, très cher à Park Chan-wook. Réalisateur de "la trilogie de la vengeance" avec le merveilleux Old Boy. Une manière pour Refn alors de sublimer la violence à son tour, cherchant sans arrêt l' addictive contemplation de ses scènes. Trouvant un parfait milieu entre ces deux axes malgré une violence soudaine, presque insupportable. Le film s'éloigne définitivement et clairement de toutes recettes déjà étudiées auparavant. Le mélange de la bleuète sentimale et d'une violence insoutenable rend le film unique. Romanesque à souhait, le film ne perd jamais une seconde pour avancer. D'où cette formidable impression que Drive ne dure en réalité qu'une poignée de minutes. Chaque séquence semble surdimensionner la dernière, Peut être ceci étant du au fait que Drive ne s'attèle qu'au Cinéma. Du vrai, du pur cinéma de genre. Ce qui nous manque terriblement en ces années 2010. Le film est redoutablement intelligent, s'auto critiquant depuis l'intérieur, le héros étant bien pire que chacun des protagonistes.
La rencontre entre la romance et la violence finit par exploser dans une sidérante scène d'ascenseur, pleines de subtilités entre passion-tension sensuelle-transformation, qui montre encore, et une énième fois, que Refn peut se considérer comme l'un des plus grand réalisateur de la planète. Dire que cette simple scène reste l'une des séquences les plus importantes de ces 10 dernières années serait un doux euphémisme. Mais sa ne serait sans compté sur l'incroyable Ryan Gosling. Ce jeunehomme blond n'est pas seulement "le beau gosse qui joue dans Crazy Stupid Love" comme le crierait n'importe quelle adolescente de 13 ans. Mais certainement une énorme révélation. Son personnage reste l'archétype de l'anti héro dans cette phénoménale seconde partie de film. Gosling joue le jeu à fond, sombre, exorcisant ses émotions et s'en défaisant au rythme de la musique, lucide, mais énigmatique.
Son personnage devient alors tout aussi anthologique qu'un Travis Bickle dans Taxi Driver, ou que Lou Ford dans The Killer Inside Me. La musique du film reflète brillamment son état d'âme, la voiture est son corps, et lui l'esprit. A la manière d'un conte de Grimm, Refn joue sur une première partie mélancolique et bien plus brutale et violente par la suite.Une divine performance pour Ryan Gosling, ne sombrant jamais dans le stéréotype du badboy made in Série B, tout en développant continuellement une thématique chère aux Anti Héros à la MadMax. Fantastique. ( Tout comme l'impeccable casting, et la tendre Carey Mulligan ). Le héros appartient au cinéma, il ne vit que grâce à ce cinéma de genre ( RIP le Samourai de Melville! ) le personnage de Gosling semble à ce point intemporel. Et avec tout les paradoxes qui le suivent.
Finalement, Drive est un grand coup de poing mélancolique, électrisant, lent, violent. Redéfinissant le thriller Américain, s'éloignant de tous clichés, sublimant chaque scène, Refn s'impose comme un cinéaste contemplatif et virtuose. Réalisant un film où Les années 80 deviennent alors une source de nostalgie visuelle, auditive immergant cette folle idée dans un thriller mélancolique. Du grand art. Refn réalise non seulement certainement le meilleur film du genre depuis les Infiltrés en 2006, mais réalisant une anthologie à l'anti-héros. Des personnes crient encore et toujours à l'intérêt du cinéma de Refn, d'autre au futur classique. Qu'importe. Il est certain que Drive façonne l'esprit depuis quelques jours, acclamés même au JT de France 2, où les gens se demandent encore pourquoi et comment, a t-on pu laisser de côté ce réalisateur au grand public. Drive -même avec son approche radicalement plus simple- pour les WindingRefnien, reste le meilleur film de ce metteur en scène -de l'année-. On ressort bouleversé, C'est unique, et c'est extrêmement mérité. Un film de cinéphile pour cinéphile. Obra Maestra. Merci.