Dig ! de Ondi Timoner
L'essence du Rock des années 90 est souvent présentée par de divers groupes aux styles variés au possible qui ont tous plus ou moins implosés ou explosés au sein de ce nouveau choc musical. Nirvana, Rage Against The Machine, Soundgarden, Noir Désir, NIN, Bloody Valentine et Indochine. Non je déconne. Bref pour les plus connus et chanceux d'entre eux. D'autre ont forcé le destin -"trop intelligent pour être célèbre" comme dirait Jonathan Poneman fondateur de SUB POP, immense label indépendant et ex-fouteurs de merde qui berça du fond des chiottes Green River pour en faire l'immense Mudhoney. Dans ce style on pourrait citer Les Thugs bien sûr avant toutes choses. Mais aussi un groupe clairement venu d'ailleurs et outrancier au possible : The Brian Jonestown Massacre.
A l'instar de son nom improbable (né d'un mix de Brian Jones des Stones et du massacre de Jonestown), le groupe est l'essence même de la musique moderne. D'une maturité et d'un éclectisme beaucoup trop rare : les Stones Roses, Black Rebel Motorcycle Club, Bob Dylan, Love et les Blackbyrds filtrent avec cette identité unique qui font aujourd'hui les BJM un des groupes les plus...reconnus mais inconnu du grand public. Dig ! de Ondi Timoner (oui car venons en un moment) en montre toutes les facettes, les plus blanches, comme les plus cradingues et écoeurantes de ce groupe de perchés. Littéralement perchés sur la lune, pieds pataugeant dans la cocaine et les seringues tremblotantes. Une descente aux enfers tandis qu'un autre groupe de musique -leur meilleur bande de pots- commence à s'envoler pour le nirvana de la réussite artistique et commerciale. Leur nom : The Dandy Wahrols.
Dig ! est donc l'oeuvre de six années de deux bandes de pots, de jalousies, de gestes et de paroles irréversibles, d'attitudes rock'n'roll mais malfaisantes, de musiques, et surtout d'une reconnaissance éternelle malgré les maux et les mots. Dig ! est l'essence du rock même, une véritable fresque à base de dopes, de notes et de coups au cours d'une palpitante odyssée d'un groupe aujourd'hui mondialement reconnu et de la plongée préméditée d'une autre bande de pots. Anton Newcombe est ce génie impopulaire des BJM. Courtney Taylor est ce branleur reconnu et talentueux compositeur des Wahrols. A travers les années le spectateur est ainsi embarqué dans cette "révolution musicale" qu'Anton Newcombe laisse entendre dès les trente premières minutes du reportage. Deux groupes d'amis souhaitant embarquer l'essence du rock pour réaliser ce que personne n'avait fait depuis les Beatles et les Stones. Et au final un duel à la Blur-Oasis ? La réalité est toute autre et unique.
Paroles de Junkie ou pas, Dig ! tire rapidement un trait sur la prise de point de vue. D'une part via le génie d'Ondi Timoner, ne focalisant non pas son film sur la réussite de Wahrols pour laisser imaginer que Newcombe se drogue et salope sa carrière par jalousie et détresse. Le point de vue est ainsi d'une objectivité rare via la voix de Courtney Taylor, narrateur du film, où pourtant les Wahrols sont les derniers innocents de la planète selon les paroles des membres de BJM et la caméra de Timoner. Une déchirance musicale et amicale durant laquelle la caméra de Timoner virevolte aux quatre coins du mondes, des premières arnaques frauduleuses réalisées aux Dandy Wahrols, aux concerts foireux et détraqués de BJM, bastons de bourrés, aux rails de cocaine larmoyant sur les tables basses, aux festivals du monde entier, aux concerts devant 10 alcooliques communistes. Un documentaire à la trajectoire finale proprement hallucinante.
Filmant les plus mauvaises heures des BJM comme un Natural Born Killers (Tueurs Nés), alternant plans de Go-Pro précurseurs, noir et blanc, filtres 16mm ou Super 8 ou de couleurs nauséabondes. Il semble par ailleurs que la réalisatrice semble s'être faite effacer de l'entourage depuis la sortie du film. Ultime facette utopique de deux rockeurs branleurs coincés dans deux époques différentes (les deux meneurs sont tout simplement d'immenses grandes gueules clamant leurs génies haut et fort. Et surtout celui de leur rival par dessus-tout...), c'est surtout Anton Newcombe qui est filmé sous toutes ses coutures. Ses pétages de câbles, ses bastons, son physique se dégradant, et cette volonté de vouloir être l'indépendance en chair et os.
Indépendance incroyablement capturée mais aussi porteuse des malaises les plus malpropres d'une vie d'humaine lambda. Indépendance qui finira toujours par se comparer paradoxalement aux Dandy Wahrols. En d'autres termes Dig ! est un immense reportage sur l'amitié, la rupture, la haine, la semi-mort, et la rédemption. Un film de rock oui, un film rock, oui aussi, un grand témoignage d'une époque et d'une idéologie réellement utopique.