Balada Triste De Trompeta d'Alex De La Iglesias
Et le voici! Le nom d'article le plus long de ces vingts dernières années! Il y avait beaucoup à parier sur ce nouveau d' Alex de La Iglesias. C'est simple suite à sa daube monumentale Crimes à Oxford, le réalisateur avait simplement perdu tout point de vue cinéphiles pour réaliser un film comme bon nombres de ses acolytes cinéphiles, sans réelle âmes, perdue entre une lamentable cartes aux trésors sur France 3 le Vendredi soir, et une sous cape de Seven. Crimes à Oxford était peut être une opportunité pour lui de s'immerger un peu autre part que dans le cinéma Andalou, mais aussi, une bonne manière de symboliser la fin de son règne dans le cinéma de genre au pays des matadors. C'est sans se souvenir des scénarios palpitants qu'Iglesias nous avaient offert ces dernières années, en syndicaliste de Mutant avec Action Mutante, ou encore le faussement Western 800 balles.
Après avoir osculter l'âme d'un réalisateur de Navarro ou d'un Dolmen, Il y a deux ans, Iglesias promet un retour aux sources, comme une sorte de renaissance après les échecs ou plutôt l'échec passé. Une façon de séduire à nouveaux les cinéphiles du monde entier. L'impression de ce film donne surtout l'image de Iglesias rentré chez lui sans un sous, valise sous la main, dans les bras de sa mère en terre Andalou. (?) Pourquoi une telle image ? Peut être car son film reste l'une des plus grandes oeuvres espagnoles de tout les temps. Brassée dans la culture ambiante, historiquement très riche, et surtout, un ton et une ambiance rarement aussi crédible à l'écran. Dali doit s'en retourner dans sa tombe, tout comme Al Modovar dans son 5 étoiles. Au fil du temps, Iglesias s'était vu offrir le poste de réalisateur Zinzin/Cradingue du cinéma Espagnol. Poste dont il démissionna pour revenir au plus tôt avec ce film, proche d'un Terry Gilliam, mixé à du Tarantino sous piments d'espelette dans une photographie volontairement dénuée de couleurs vives.
Balada Triste de Trompeta rend hommage à ce poste dès les premières secondes où un clown démembre des soldats franquistes à coup de Machete dans une incroyable première séquence. Comme pour rattraper le temps perdu, le film file ensuite vers les dernières heures de l'armée Franquiste avant la prise de pouvoir des républicains pour se concentrer sur le fils du clown "Machete" en question. Dans son cirque où il y interprète le Clown Triste, et tombe amoureux de la sublime trapèziste Natalia. Elle, alors maquée au Clown Hilare influencé par le marquis de Sade à en croire les tabassages hallucinants infligés à sa Natalia. Iglesias se concentre alors sur ce trio brillament interprêté, ce n'est sans rappelé le traumatisant Freaks de Tod Browning, ou une bizarrerie du genre façon Big Fish de Burton maquillé en Tapas. Dans un premier temps le film va donc romancer de façon très subtile l'histoire d'amour, dans un mix de poésie très vieux jeu à la Fellini, jouant sur l'ironie, et le second degré planant et les côtés fièvreux de la jalousie. Comme si la belle mais très nympho Natalia ne savait choisir entre le Clown Hilare bien monté, ou l'amour spirituel proposé par le Clown Triste.
Sauf que...Sauf que voilà. Iglesias n'est pas un homme ordinaire. Le film dans sa seconde partie, après une vengeance du Clown Triste défigurant l'Hilare ( mais au combien violent ), change de cap, à en devenir frontalement fou et totalement violent à la fois. Prêt à tout pour se venger définitivement de celui qui aura à tout jamais désamorcé sa vie du grand amour. Le protagoniste principal devient alors une sorte de Phantom Of The Paradize, une bête de foire totalement baroque mais sauvagement amoureux, imprimant à vie son maquillage de clown. Iglesias pénètre alors dans les entres si convoitées de Terry Gilliam, la bizarrerie de Brazil ne semble guère loin, et la photographie de Iglesias elle aussi surprend par sa prise de risque. Iglesias s'envole au dessus des protagonistes, virevolte autour d'eux et sa réalisation change alors momentanément, procurant des instants de grâce, comme cet ultime fantastique plan, à faire pleurer la ligue des supers dictateurs du 20ème siècle, Mad Max, et Jason Statham Réunis. L'humour noir est toujours présent, mais dans cette deuxième partie, la sensualité est remplacée par la folie, le baroque, et la quête de l'impossible. Une brillante ligne directrice de l'amour auto-destructeur.
Ce n'était sans compté sur un trio de tête absolument exceptionnel. Inconnu du grand public ( encore une fois, un retour aux sources pour Iglesias ), tous présenté dans un incroyable générique. Carlos Acere et Antonio De La Tore question clown, et Carolina Bang question trapèziste un poil maso. L'incroyable prestance permet au film de s'envoler, via aussi bien leur cris, que leurs larmes ou leurs envolées sanglantes. Tous étant filmés pied au plancher dans un parfait montage vif et au combien aussi rythmé. Le tout restant épaulé par une magnifique partition de Roque Banos, le Hans Zimmer des terres Madrilennes, captant l'émotion et les sentiments humains offert par Iglesias au public. Ces sentiments généreux issus de la démesure de Iglesias, qui dans un ultime séquence ont certainement fait pleuvoir plus de larmes que n'importe quel daube antique à la Twilight ou de grotesque mélo à la Woody Allen dans ses heures perdues.
Alex de La Iglesias, n'oublie cependant jamais le contexte historique, en y imprégnant de véritable attentats contre les loups au pouvoir de l'époque (Général Blanco, ou l'apparition subtile de Franco), ce qui donne tant à ce film une âme aussi bien historique, romantique, que riche en démesure. Balada Triste de Trompeta est le chef d'oeuvre auquel Iglesias nous confie en ce début d'été carbonique. Parfait dans sa conception, subtil, et brillant dans sa mise en scène, impardonnable dans son intelligence, le film de Iglesias reste une incroyable fresque contemporaine, auquel il est plus que facile de lui attribuer "Film de l'année 2011". Alliant humour noir, et envolées romantiques, jouissif sa violence graphique, bouleversant et généreux, Iglesias retrouve alors son statut de metteur en scène Zinzin/Cradingue offrant à sa filmographie un chef d'oeuvre, et certainement la plus grande oeuvre de sa vie. Mais comme d'habitude, Balade Triste De Trompeta se retrouvera coincé au rayon des oeuvres trop loufoques pour plaire au grand public et se retrouve alors dans 150 salles françaises tandis que Johnny Depp fait encore le pitre sur son yatch du pauvre, voir le clown.